La société wallonne Agilytic aide les entreprises, et notamment la grande distribution, à atteindre leurs objectifs grâce à une meilleure utilisation des données numériques.
Dans le contexte tendu que vit aujourd’hui la grande distribution, comment analyser et exploiter au mieux les millions de données numériques disponibles ? La solution pourrait bien venir de la société hulpoise Agilytic, spécialisée dans les data sciences. Sa mission : analyser les comportements des consommateurs. Le champ des possibles est très large. Il passe par l’optimalisation des ventes, la fidélisation de la clientèle, la gestion des invendus et la surveillance des marges. Mais aussi, la lutte contre le gaspillage alimentaire, une meilleure rotation du personnel et même, jusqu’à éviter des burn-out…
La grande distribution a énormément à gagner de la valorisation des données. La fête est finie pour la pub en ligne et le marketing.
« La grande distribution a énormément à gagner de la valorisation des données. La fête est finie pour la pub en ligne et le marketing, il faut retomber sur les données propres qui ont été négligées pendant des années. Ces données de transaction deviennent hyper utiles dans le contexte actuel qui met en concurrence féroce les différents acteurs du marché en Belgique. Il y a une grosse opportunité de valoriser ces données par les distributeurs », explique à Trends Tendances Julien Theys, fondateur d’Agilytic et professeur en transformation digitale à Solvay.
« 95% des données ne sont pas exploitées »
Selon lui, la grande distribution est assise sur des tonnes de data qu’elle n’utilise pas. “95% de nos projets sont basés sur des données qui existent déjà chez nos clients, mais qui ne sont pas valorisées. » Il poursuit : « Et pourtant, les retailers peuvent monétiser ces informations auprès des marques par le biais de ce qu’on appelle les « data clean rooms ». Ce terme fait référence à un service qui va valoriser les données transactionnelles, pour des campagnes publicitaires par exemple, tout en garantissant anonymisation, vie privée et sécurité. Le secteur a commencé il y a environ une vingtaine d’années avec les programmes de fidélité. La technologie permet actuellement un haut niveau de personnalisation. »
Julien Theys prend comme exemple la mine d’informations anonymes déjà contenue dans un simple ticket de caisse. « On peut analyser précisément quels sont les produits achetés ensemble afin de faire des promos hyper pertinentes ».
Le ticket de caisse, une mine d’informations anonymes
Car, si l’association bière + chips parait évidente, certains achats combinés ne sautent pas toujours aux yeux. L’analyse du ticket de caisse permet aussi de savoir à quel moment certains achats sont le plus réalisés et dans quel type de magasin. Cela permet d’optimaliser l’agencement des surfaces de vente et les plannings des promotions.
Pour un même produit, on retrouve des comportements très différents. Les critères qui influencent l’achat dépendent de la zone urbaine (bureaux, écoles,…), des phénomènes saisonniers, du moment de la journée, et même de la météo. « Il est possible d’anticiper la demande future des biens et services selon l’historique de comportements d’achats », explique le spécialiste des données.
L’avantage du ticket de caisse est qu’il est plus facile à anonymiser et à exploiter que des informations individuelles. Julien Theys n’est d’ailleurs pas d’avis qu’il faut chercher l’individualisation et l’hyperpersonnalisation à tout prix pour obtenir ces informations. « Il n’est parfois pas rentable de faire des calculs complexes et de pousser l’analyse aussi loin, car la déduction est assez simple. Les comportements de consommation sont assez similaires. Le défi technologique est alors irrelevant, il faut davantage se baser sur le bon sens. »
Au quotidien, le challenge de la start-up est de « décupler la puissance du marketing ». « Notre défi est d’arriver avec un budget marketing constant à dégager plus de valeur en se canalisant sur ce qui a le plus d’impact. On doit sortir du mode généraliste où tout le monde fait la même chose », commente son CEO.
Julien Theys plaide aussi pour davantage de connexion entre les différents départements des supermarchés qui sont actuellement trop segmentés. « Le marketing et la logistique sont encore trop souvent séparés. Il faut créer plus de ponts entre ces différents départements. Les données de vente sont utiles pour réduire les déchets, mieux anticiper les promos, et optimiser l’approvisionnement sans impacter la disponibilité des produits pour le client. »
Pour le fondateur d’Agilytic, les acteurs de la grande distribution doivent aussi arrêter de se battre sur les marges. A l’avenir, il prévoit qu’ils enterreront la hache de guerre pour faire face à leurs vrais concurrents que sont Amazon et Google. « La grande distribution se trouve à un moment charnière, comme le secteur bancaire il y a 10 ans par exemple. L’ère de la commodité a commencé », prévient-il.
Les data pour prévenir les burn-out
A l’opposé du marketing, Agilytic travaille aussi avec des départements de ressources humaines. L’analyse des informations du personnel d’une société permet alors de comprendre la survenue de burn-out et d’essayer de les éviter. Julien Theys explique : « Appliquer le même mécanisme d’analyse de données au secteur des ressources humaines doit partir d’une démarche bienveillante». Elle se doit en effet d’être particulièrement cadrée pour assurer le bien-être des employés concernés et leur anonymat.
Pour essayer de comprendre pourquoi une personne souffre de burn-out, de nombreuses données sont passées à la moulinette des algorithmes des data scientists : qu’est-ce qui s’est passé ces dernières années dans un département ? Qui est parti, qui était absent ? Quels sont les éléments communs qui précipitent des départs et des surmenages ? Est-ce lié à une longévité, une promotion, un âge, un manager,…?
« Les facteurs qui ont le plus d’influence pour éviter certains comportements ressortent de notre analyse. Parfois, nous identifions aussi des causes sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Par exemple, la distance domicile-lieu de travail peut être pertinente, mais ce n’est pas une donnée actionnable», explique Julien Theys.
Une croissance linéaire
Créée en 2015, Agilytic compte aujourd’hui 25 collaborateurs et connaît une croissance linéaire. « Il a fallu construire le marché en même temps que la société, car la prise de conscience de l’importance de la data a pris du temps », explique son fondateur. Depuis le début, la start up a mené quelque 200 projets dans des secteurs variés : banques et assurances, télécoms, immobilier, et plus récemment dans l’automobile et la grande distribution.
Avec les datas qui ne cessent de se multiplier et les technologies pour les analyser qui s’affinent et se perfectionnent en continu, Agilytic peut nourrir de légitimes ambitions de croissance dans les années à venir, aussi à l’international. Au cours des prochaines années, la société espère pouvoir s’ancrer en France et au Luxembourg.